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Jamnitzer-Daphne

La Daphné de Wenzel Jamnitzer, réalisée à Nuremberg vers 1570-1575 est un des principaux chefs-d’œuvre du musée de la Renaissance d’Ecouen.

Dans les Métamorphoses, Ovide nous raconte l’histoire de Daphné, nymphe d’une très grande beauté et fille du dieu fleuve Pénée. Pour se venger d’Apollon qui s’était moqué de lui, Cupidon, le dieu de l’Amour tire deux flèches à l’aide de son arc. La première atteint Apollon et rend ce dernier fou amoureux de la belle Daphné. La seconde touche la nymphe et lui inspire le dégoût de l’amour. Aussitôt, Apollon se met à poursuivre Daphné et Daphné à la fuir. Entraînée dans une course sans fin, celle-ci supplie son père de lui venir en aide. Pénée métamorphose alors sa fille en laurier afin qu’elle échappe aux ardeurs divines d’Apollon.

La statuette en argent réalisée par Jamnitzer la représente à l’instant même où a lieu la métamorphose. Des branches de laurier commencent à émerger au sommet de la tête et à l’extrémité des bras de la nymphe qui n’a déjà plus de mains. La figure de Daphné semble inspirée par la statuaire antique. Elle se tient debout, la jambe droite fléchie dans un contraposto qui évoque les statues grecques. Son visage aux traits classiques et au nez droit est impassible, sans expression. Seules ses mains levées vers le ciel, comme pour implorer son père, évoquent son désespoir. Sa peau est en argent blanc alors que ses cheveux et sa tunique sont dorés. Les branches de laurier naissantes sont figurées à l’aide d’une splendide branche de corail au multiples ramures. A l’extrémité des branches, quelques feuilles en argent peintes en vert et vernies commencent à éclore.

L’ensemble forme un objet d’une beauté extraordinaire, chef-d’œuvre d’un des grands orfèvres de la Renaissance allemande. Mais quelle pouvait donc être la véritable fonction de cette singulière Daphné ?

Depuis l’Antiquité, les hommes prêtaient au corail des vertus prophylactiques et magiques. Ainsi, au Moyen-âge, tout autour du bassin méditerranéen, on accrochait ainsi au cou des nouveau-nés une amulette en corail pour les protéger des maladies et du mauvais œil (Pratique dont témoigne d’ailleurs certaines Vierge à l’Enfant peintes en Italie au XVe siècle où l’on voit le Christ muni d’un collier en corail !). Pendant très longtemps, on a donc pensé que cette statuette était un « languier », cette pièce d’orfèvrerie à multiples branches que l’on disposait sur les tables médiévales pour suspendre des « langues de serpent » (en réalité des dents de requins !) réputées capables de détecter le poison dans l’assiette des convives. On sait aujourd’hui que cette hypothèse est erronée. Cette Daphné avait en réalité comme fonction d’orner le cabinet de curiosité d’un prince allemand, amateur de « naturalia », c’est-à-dire de « merveilles de la nature ». Le corail, cette espèce étrange à l’aspect à la fois minéral, végétal et animal fascinait les savants de l’époque qui s’efforçaient de classifier et cataloguer l’ensemble des espèces naturelles…