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Dans la Grèce antique, le recours à un oracle est fréquent. Il s’agit d’un aspect fondamental de la religion et de la culture grecque. La prise d’oracle consiste à poser une question à un dieu, généralement par l’intermédiaire d’une prophétesse.
Une sibylle est une de ces prophétesses. Elle permet d’entrer en contact avec le dieu Apollon. Les réponses de la sibylle sont cependant souvent assez énigmatiques, voire ambiguës. Ainsi l’une d’entre elles aurait, par exemple, répondu à un soldat venu la consulter pour connaître l’issue du combat qu’il s’apprêtait à mener : «Ibis redibis non morieris in bello». Or, si l’on place une virgule avant le «non», cette réponse signifie «Tu iras, tu reviendras, tu ne mourras pas en guerre», mais si la virgule est placée après le «non», la réponse devient «Tu iras, tu ne reviendras pas, tu mourras en guerre». Cet exemple amusant, souvent utilisé pour montrer aux étudiants l’importance de la ponctuation en latin, n’est sans doute pas historique, mais il illustre bien la réputation des sibylles antiques. Ces dernières donnaient souvent une réponse permettant plusieurs interprétations, se mettant ainsi habilement à l’abri de toute contestation. Ceci explique d’ailleurs le sens du mot «sibyllin» en français, adjectif que l’on attribue à des propos énigmatiques et difficiles à comprendre.
La plus ancienne sibylle grecque connue est la sibylle d’Erythrée mais leur nombre augmenta au fil des siècles : sibylle Persique, Lybique… Les Romains poursuivirent cette coutume grecque et eurent également leurs sibylles, dont la plus connue est la sibylle de Cumes.
Très bien, me direz-vous, mais comment expliquer la représentation de ces prêtresses païennes dans de nombreuses églises, dont les plus célèbres sont sans doute celles peintes par Michel-Ange entre 1508 et 1512 sur la voûte de la chapelle Sixtine (voir la très belle sibylle de Delphes sur la photo ci-dessus)?
Dès le IIIe s. avant J.-C., une série de douze livres connus sous le nom d’«Oracles sibyllins» circulent dans l’Empire romain. Ils reprennent des oracles antiques, mais aussi des oracles juifs et des écrits chrétiens. Se fondant sur certains passages de ces livres, notamment le huitième d’entre eux, censé être un recueil de prophéties de la sibylle Érythrée, certains écrivains chrétiens, comme saint Augustin, crurent pouvoir affirmer que les sibylles avaient annoncé la naissance de Jésus et l’avènement du christianisme… Ceci explique que Michel-Ange représenta cinq figures colossales de sibylles mêlées à sept figures de prophètes sur ses fresques de la voûte de la chapelle Sixtine. En 1568, le concile de Trente remit un peu d’ordre dans tout cela et l’on cessa de représenter les prêtresses d’Apollon dans les églises…
Patrick AULNAS a dit:
La Renaissance n’est-elle pas d’abord une redécouverte de l’Antiquité gréco-romaine ? Les sibylles, les Vénus, les Danaé ne sont-elles pas aussi un moyen de renouveler la thématique de l’art du Moyen-Âge, exclusivement religieuse ? L’élite cultivée de Florence et de Rome est imprégnée de culture humaniste.
lesyeuxdargus a dit:
Oui bien sûr, Vénus, Danaé et autres personnages de la mythologie grecque sont fréquemment représentés dans les palais et demeures princières au XVIe siècle mais… dans pas dans les églises et encore moins dans une chapelle au Vatican à deux pas de la résidence papale ! Les sibylles sont une exception pour la raison que j’évoque ci-dessus.
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