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Pablo Picasso, La mort de Casagemas, 1901, Paris, musée Picasso

Pablo Picasso, La mort de Casagemas, 1901, Paris, musée Picasso

Pourquoi Picasso s’est-il mis à peindre en bleu entre 1901 et 1904 ? Tout le monde se posa longtemps la question jusqu’à ce que Picasso y réponde lui-même en 1965. Il dévoila alors pour la première fois au public ce tableau, La mort de Casagemas, qu’il avait peint 64 ans plus tôt, en 1901. Il déclara alors « C’est en pensant que Casagemas était mort que je me suis mis à peindre en bleu ».

Derrière ce tableau, se cache une folle histoire d’amour et d’amitié qui se termine mal. Tout commence en 1900. Picasso n’a que 19 ans et fréquente le cabaret Els Quatre Gats à Barcelone où il rencontre de nombreux jeunes artistes, dont Carlos Casagamas. Les deux jeunes hommes deviennent rapidement inséparables. Ils rêvent de se rendre à Paris qui est alors la capitale de l’avant-garde artistique. Casagemas, plus à l’aise financièrement que Picasso, propose à son ami de financer leur voyage. Les deux artistes s’installent à Montmartre et se lient rapidement avec Odette, Germaine et Antoinette, un trio féminin qui pose souvent pour eux comme modèles. Picasso commence à fréquenter Odette et Casagemas tombe éperdument amoureux de Germaine. Alors que Casagemas est un jeune homme fier et sensible, Germaine est une femme volage qui multiplie les aventures. Voyant que Germaine lui échappe, Casgemas plonge progressivement dans la dépression et l’alcool. Picasso décide alors d’éloigner son ami de sa maitresse et de passer les fêtes de fin d’année avec lui à Malaga. Cependant, Germaine continue de faire tourner la tête de Casagemas et dès la mi-janvier, alors que Picasso reste en Espagne, il décide de retourner à Paris pour revoir sa maitresse. Le 17 février 1901, il convie quelques amis, dont Germaine, au café L’Hippodrome, boulevard de Clichy. Durant le dîner, il se lève et prononce un discours puis sort brusquement un pistolet avec lequel il vise Germaine. Celle-ci échappe à la balle en se jetant au sol. Casagemas retourne alors le pistolet contre lui et se tire une balle dans la tête. Il mourra quelques heures plus tard.

Picasso apprend depuis l’Espagne, la mort de son ami, et hanté par le drame, entame sa période bleue. De 1901 à 1904, la couleur bleue envahit ses toiles. Il peint notamment quelques mois après le décès de Casagemas, ce portrait posthume de son ami, allongé dans son cercueil, la tempe noircie par l’impact de la balle. La flamme de la bougie, qui symbolise la fragilité de la vie, répand une lumière chaude et dessine un cerne doré sur le profil du suicidé et des ombres jaune sur le linceul. Mais le reste de la toile est gagné par le bleu, couleur froide et symbole, pour Picasso, de la mort. Consciemment ou inconsciemment, cette association du bleu à la mort lui a peut-être été inspirée par le Gréco, cet illustre peintre espagnol dont Picasso a beaucoup regardé les toiles au début de sa carrière.

Pablo Picasso, Autoportrait, 1901, Paris, musée Picasso

Pablo Picasso, Autoportrait, 1901, Paris, musée Picasso

Quoiqu’il en soit, sur tous ses tableaux suivants, il n’y aura plus que du bleu. Du bleu comme sur l’Autoportrait que Picasso peint en 1901. Il n’a que 20 ans mais on lui donnerait au moins 20 ans de plus. Il se représente le visage émacié et le teint blafard, engoncé dans son manteau. Il porte le deuil…de Casagemas.