Sonia Delaunay-Prismes electriques

Sonia Delaunay est née en Russie, le 14 novembre 1885, il y a exactement 128 ans aujourd’hui. Elle arrive à Paris à l’âge de 20 ans et commence à peindre en 1907. Dès ses premiers tableaux qui s’apparentent au mouvement fauve, elle laisse éclater son goût pour les couleurs vives. Puis en 1911, elle réalise sa première œuvre abstraite. Ce n’est pas une toile mais une œuvre textile ! Peu de temps après avoir mis au monde son fils Charles, elle crée pour lui une couverture en assemblant des morceaux de tissu de couleurs vives. Pendant quelques temps, elle continue de créer des reliures de livres, des collages en jouant avec des morceaux de tissu et de papier colorés qu’elle juxtapose, si bien que c’est tout naturellement qu’elle transpose cette formule en peinture quand elle reprend ses pinceaux en 1912.

Elle compose alors ses toiles suivant la loi du « contraste simultané ». Élaborée en 1839 par le chimiste français Michel-Eugène Chevreul, cette loi indique que l’intensité d’une couleur varie en fonction de celles qui se trouvent à proximité, et que le maximum d’intensité est atteint par la confrontation entre une couleur et sa complémentaire (une couleur primaire et l’addition des autres, par exemple le jaune confronté au violet). Déjà à l’origine de recherches impressionnistes et pointillistes, la loi du contraste simultané est reprise par Sonia Delaunay car elle lui permet de traduire plastiquement le dynamisme de la vie moderne. Le contraste simultané des couleurs lui permet de rendre visible le rythme d’un train lancé sur les rails, lorsqu’elle illustre le poème de Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France en 1913 ou les danses endiablées du Bal Bullier de Montparnasse, dans un gigantesque tableau de la même année.

Dans ce tableau intitulé Prismes électriques (1914, centre Pompidou), elle célèbre également la poésie de la modernité, en figurant l’éclatement de la silhouette des passants du boulevard Saint Michel sous l’effet de l’éclairage électrique. Elle utilise son motif iconique du disque éclaté en anneaux concentriques colorés de toutes les couleurs du prisme pour figurer les ampoules des réverbères. La lumière absorbe toute la surface de la toile, l’unifie, annule toute perspective et quasiment toute figuration, à l’exception de deux silhouettes humaines fractionnées sous son effet au premier plan.

L’apport de Sonia Delaunay à l’art du XXe siècle et son rôle de pionnière de l’art abstrait a longtemps été oublié au profit de l’œuvre de son mari, Robert Delaunay. Leurs œuvres étaient souvent confondues par le grand public car ils ont travaillé ensemble et mené des recherches artistiques analogues sur la couleur et la lumière. Depuis sa mort en 1979, on redécouvre progressivement cette importante créatrice avant-gardiste. Ce qui frappe le plus aujourd’hui c’est que son œuvre n’a pas vieilli !